Contribution: Le rapport entre la spiritualité et la philosophie ( Par le Professeur Mouhameth Galaye Ndiaye)
TUESDAY, 05 APRIL 2011 16:01 ALAZHAR TOUBA
Depuis la période de l’Antiquité jusqu’au Moyen-âge, tous les domaines du savoir humain étaient regroupés dans une seule et unique discipline appelée «la philosophie», celle-ci était considérée comme étant la mère de toutes les sciences. C’est, en effet, l’époque bien connue des savants encyclopédistes. La personne que l’on reconnaissait comme savant ou plus précisément philosophe, était celui qui détenait ou maitrisait plusieurs domaines du savoir (la magie, la médecine, l’astrologie, la nature, les mathématiques, etc.) C’est la raison pour laquelle on retrouvait la philosophie de partout dans le monde. La spiritualité reconnue aujourd’hui comme une discipline à part entière était d’antan classée sous la bannière de la philosophie.
D’après cette brève entrée en matière, il est clair qu’il y a bel et bien un rapport, mince soit-il, entre le domaine de la spiritualité et celui de la philosophie. Pour mieux élucider ce rapport, il sied de pousser un peu la réflexion plus loin en tentant d’apporter à chacune des deux disciplines une définition claire, et, par la suite chercher à (r)établir le cordont ombilical qui les rattache.
Le vocable "spiritualité" dérive du latin « spiritus » signifiant « souffle ». Philosophiquement elle signifie : «caractère de ce qui est spirituel, indépendamment de la matière[1]». La spiritualité, entendue comme étant une discipline bien structurée de nos jours, est généralement définie comme : « Ensemble des croyances, des exercices qui concernent la vie spirituelle ; forme particulière que prennent ces croyances et ces pratiques[2] ».
Le vocable « philosophie : φιλοσοφία », est un mot d’origine grecque composé de φιλεῖν, « aimer » et σοφία, « la sagesse », le savoir », c'est-à-dire littéralement : « l'amour de la sagesse ».[3]
Elle désigne une activité et une discipline existant depuis l'Antiquité et se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l'existence humaine, ou encore comme un savoir systématique.
Différents domaines ou buts peuvent lui être attribués, de la recherche de la vérité, et de la méditation sur le bien et le beau, à celle du sens de la vie, et du bonheur, mais il faut quand-même préciser qu’elle consiste plus amplement dans l'exercice systématique de la pensée et de la réflexion. Ancrée dès ses origines dans le dialogue et le débat d'idées, la philosophie peut également se concevoir comme une activité d'analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts.
D’après cet aperçu sur l’étymologie, voire la définition de la spiritualité et de la philosophie, il nous paraît, de première vue, que le domaine de la philosophie est beaucoup plus large que celui de la spiritualité. Mieux encore, elle englobe même le domaine de la spiritualité vu qu’elle ne se donne pas un objet d'étude particulier et unique. On trouve toutefois au sein de la philosophie des domaines d'étude distincts, tels la logique, l’éthique, la métaphysique, la philosophie politique et la théorie de la connaissance rationnelle ou spirituelle, etc.
Si l’approche spirituelle consiste à voir au-delà des apparences extérieures, c'est-à-dire dans la connaissance spirituelle, la perception intuitive des causes qui se dissimulent derrière les conditions extérieures doit assurément primer sur les cinq sens, l’approche philosophique, quant à elle, repose essentiellement sur des preuves rationnelles et/ou empiriques.
A titre d’exemple, quand un être spirituel veut changer ou transformer son propre monde, il doit procéder par métamorphoser et améliorer sa conception des choses par le truchement d’un travail intérieur effectué sur soi (la mortification de l’âme), tandis que le philosophe-lui, il le fait par l’entremise d’un travail réflexif (purement rationnel) fait sur soi et sur la nature environnante : l’Homme, la Physique et la Métaphysique ). Ces deux voies dites spirituelle et philosophique sont communément connues dans l’histoire de la philosophie occidentale à travers – respectivement – deux figures emblématiques de la philosophie grecque : Platon (429-347 avant J.C) et Aristote (384-322 avant J.C). On trouve également ces deux voies dans la philosophie scolastique musulmane liées au nom de l’éminent philosophe andalou Ibn Tofaïl (1110-1185).
Et, si l’on remarque que ces deux voies différent par leurs moyens d’accéder à la connaissance, sans nul doute elles se joignent par leurs finalités. Mais force est de constater que cela n’a guerre empêché le philosophe grec, en l’occurrence Platon de demeurer toujours dans l’enceinte des philosophes même si l’on sait qu’il avait emprunté la démarche spiritualiste plus que celle rationaliste dans sa quête de la connaissance du monde.
Il conviendrait d’émettre ici la définition de la philosophie donnée par le philosophe néoplatonicien Plotin[4] (205-270 Après J.C), car celle-ci, dans une certaine mesure, pourrait nous aider – vu la nature de l’approche que nous adoptons – à déceler les véritables dissemblances qu’entretiennent la spiritualité et la philosophie.
Selon Plotin la philosophie serait : « La quête (découverte) de Dieu et la jonction avec Lui[5]».
A première vue, nous constatons que cette définition ne serait valable ou acceptée que seulement par les tendances théistes, c'est-à-dire ceux qui croient à une entité transcendante, voire divine. Mais, au-delà de l’absence de l’unanimité sur cette définition, il serait, sans aucun doute, important d’y voir une réelle tentative délimitant l’asphère de la spiritualité de celle de la philosophie : la quête de Dieu serait la démarche des philosophes, tandis que la jonction avec le divin serait celle des spiritualistes. Il en ressort que pour les spiritualistes les philosophes n’ont parcouru que la moitié du chemin qui leur donne seulement une connaissance purement rationnelle, quasi parfaite du divin mais qui fait défaut en ce qu’elle laisse demeurer des doutes sur l’entité divine. Tandis que les spiritualistes eux, par leur jonction avec Dieu, ils sont à l’abri de toutes formes de doute ou d’imperfection vis-à-vis du divin et du monde.
Et, si le philosophe allemand, Emmanuel Kant, dans son fameux ouvrage intitulé « Critique de la raison pure », a mis en évidence les limites de la raison humaine – conçue comme outil de connaissance -, pour les spiritualistes la jonction avec le divin ou la pénétration du domaine « mystère » de la métaphysique ne pourra guerre faire défaut à l’Homme, car la voie qui mène à cette forme de connaissance n’est point, pour les spiritualistes, la raison humaine (l’entendement humain), mais plutôt le cœur ou l’esprit pris ici au sens de l’âme. Ceci étant dit, les véritables philosophes ou les philosophes par excellence sont ceux qui ont parcourus tout le chemin et parvenus au but ultime qu’est la jonction avec le divin. Une jonction qui ne laisse aucune place au doute. Alors que les philosophes-eux, ils demeureront, toute leur vie, sceptiques tant qu’ils n’emprunteront pas le chemin des spiritualistes qui, bien entendu, joint la raison avec le cœur.
Pour les spiritualistes, seul l’élément infini qui niche au sein de l’homme, à savoir l’âme, peut accéder à la connaissance du divin. Quant à la raison humaine, selon Kant, est limité dans le domaine de l’expérience empirique dont le champ est le temps et l’espace. Tout ce qui est situé en dehors de ces deux sphères est méconnaissable à l’homme vu le caractère fini et limité de son entendement (la raison).
En guise de conclusion, il est donc clair que le spiritualiste ne se diffère du philosophe que par l’outil ou le moyen avec lequel il tient dans sa quête de la sagesse, conçue comme but ultime autant pour le philosophe que pour le spiritualiste.
Pr. Mouhameth Galaye Ndiaye
Philosophe et théologien
Bruxelles-Capitale
D’après cette brève entrée en matière, il est clair qu’il y a bel et bien un rapport, mince soit-il, entre le domaine de la spiritualité et celui de la philosophie. Pour mieux élucider ce rapport, il sied de pousser un peu la réflexion plus loin en tentant d’apporter à chacune des deux disciplines une définition claire, et, par la suite chercher à (r)établir le cordont ombilical qui les rattache.
Le vocable "spiritualité" dérive du latin « spiritus » signifiant « souffle ». Philosophiquement elle signifie : «caractère de ce qui est spirituel, indépendamment de la matière[1]». La spiritualité, entendue comme étant une discipline bien structurée de nos jours, est généralement définie comme : « Ensemble des croyances, des exercices qui concernent la vie spirituelle ; forme particulière que prennent ces croyances et ces pratiques[2] ».
Le vocable « philosophie : φιλοσοφία », est un mot d’origine grecque composé de φιλεῖν, « aimer » et σοφία, « la sagesse », le savoir », c'est-à-dire littéralement : « l'amour de la sagesse ».[3]
Elle désigne une activité et une discipline existant depuis l'Antiquité et se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l'existence humaine, ou encore comme un savoir systématique.
Différents domaines ou buts peuvent lui être attribués, de la recherche de la vérité, et de la méditation sur le bien et le beau, à celle du sens de la vie, et du bonheur, mais il faut quand-même préciser qu’elle consiste plus amplement dans l'exercice systématique de la pensée et de la réflexion. Ancrée dès ses origines dans le dialogue et le débat d'idées, la philosophie peut également se concevoir comme une activité d'analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts.
D’après cet aperçu sur l’étymologie, voire la définition de la spiritualité et de la philosophie, il nous paraît, de première vue, que le domaine de la philosophie est beaucoup plus large que celui de la spiritualité. Mieux encore, elle englobe même le domaine de la spiritualité vu qu’elle ne se donne pas un objet d'étude particulier et unique. On trouve toutefois au sein de la philosophie des domaines d'étude distincts, tels la logique, l’éthique, la métaphysique, la philosophie politique et la théorie de la connaissance rationnelle ou spirituelle, etc.
Si l’approche spirituelle consiste à voir au-delà des apparences extérieures, c'est-à-dire dans la connaissance spirituelle, la perception intuitive des causes qui se dissimulent derrière les conditions extérieures doit assurément primer sur les cinq sens, l’approche philosophique, quant à elle, repose essentiellement sur des preuves rationnelles et/ou empiriques.
A titre d’exemple, quand un être spirituel veut changer ou transformer son propre monde, il doit procéder par métamorphoser et améliorer sa conception des choses par le truchement d’un travail intérieur effectué sur soi (la mortification de l’âme), tandis que le philosophe-lui, il le fait par l’entremise d’un travail réflexif (purement rationnel) fait sur soi et sur la nature environnante : l’Homme, la Physique et la Métaphysique ). Ces deux voies dites spirituelle et philosophique sont communément connues dans l’histoire de la philosophie occidentale à travers – respectivement – deux figures emblématiques de la philosophie grecque : Platon (429-347 avant J.C) et Aristote (384-322 avant J.C). On trouve également ces deux voies dans la philosophie scolastique musulmane liées au nom de l’éminent philosophe andalou Ibn Tofaïl (1110-1185).
Et, si l’on remarque que ces deux voies différent par leurs moyens d’accéder à la connaissance, sans nul doute elles se joignent par leurs finalités. Mais force est de constater que cela n’a guerre empêché le philosophe grec, en l’occurrence Platon de demeurer toujours dans l’enceinte des philosophes même si l’on sait qu’il avait emprunté la démarche spiritualiste plus que celle rationaliste dans sa quête de la connaissance du monde.
Il conviendrait d’émettre ici la définition de la philosophie donnée par le philosophe néoplatonicien Plotin[4] (205-270 Après J.C), car celle-ci, dans une certaine mesure, pourrait nous aider – vu la nature de l’approche que nous adoptons – à déceler les véritables dissemblances qu’entretiennent la spiritualité et la philosophie.
Selon Plotin la philosophie serait : « La quête (découverte) de Dieu et la jonction avec Lui[5]».
A première vue, nous constatons que cette définition ne serait valable ou acceptée que seulement par les tendances théistes, c'est-à-dire ceux qui croient à une entité transcendante, voire divine. Mais, au-delà de l’absence de l’unanimité sur cette définition, il serait, sans aucun doute, important d’y voir une réelle tentative délimitant l’asphère de la spiritualité de celle de la philosophie : la quête de Dieu serait la démarche des philosophes, tandis que la jonction avec le divin serait celle des spiritualistes. Il en ressort que pour les spiritualistes les philosophes n’ont parcouru que la moitié du chemin qui leur donne seulement une connaissance purement rationnelle, quasi parfaite du divin mais qui fait défaut en ce qu’elle laisse demeurer des doutes sur l’entité divine. Tandis que les spiritualistes eux, par leur jonction avec Dieu, ils sont à l’abri de toutes formes de doute ou d’imperfection vis-à-vis du divin et du monde.
Et, si le philosophe allemand, Emmanuel Kant, dans son fameux ouvrage intitulé « Critique de la raison pure », a mis en évidence les limites de la raison humaine – conçue comme outil de connaissance -, pour les spiritualistes la jonction avec le divin ou la pénétration du domaine « mystère » de la métaphysique ne pourra guerre faire défaut à l’Homme, car la voie qui mène à cette forme de connaissance n’est point, pour les spiritualistes, la raison humaine (l’entendement humain), mais plutôt le cœur ou l’esprit pris ici au sens de l’âme. Ceci étant dit, les véritables philosophes ou les philosophes par excellence sont ceux qui ont parcourus tout le chemin et parvenus au but ultime qu’est la jonction avec le divin. Une jonction qui ne laisse aucune place au doute. Alors que les philosophes-eux, ils demeureront, toute leur vie, sceptiques tant qu’ils n’emprunteront pas le chemin des spiritualistes qui, bien entendu, joint la raison avec le cœur.
Pour les spiritualistes, seul l’élément infini qui niche au sein de l’homme, à savoir l’âme, peut accéder à la connaissance du divin. Quant à la raison humaine, selon Kant, est limité dans le domaine de l’expérience empirique dont le champ est le temps et l’espace. Tout ce qui est situé en dehors de ces deux sphères est méconnaissable à l’homme vu le caractère fini et limité de son entendement (la raison).
En guise de conclusion, il est donc clair que le spiritualiste ne se diffère du philosophe que par l’outil ou le moyen avec lequel il tient dans sa quête de la sagesse, conçue comme but ultime autant pour le philosophe que pour le spiritualiste.
Pr. Mouhameth Galaye Ndiaye
Philosophe et théologien
Bruxelles-Capitale
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